Utilisation d'ARN interférent chez Caenorhabditis elegans

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Biology I: yeast, Drosophila and C. elegans
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JoVE Science Education Biology I: yeast, Drosophila and C. elegans
RNAi in C. elegans

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April 30, 2023

Overview

L’interférence par ARN (ARNi) est une technique couramment utilisée dans laquelle un ARN double brin est introduit de façon exogène dans un organisme, provoquant l’inhibition d’un gène cible. Dans le nématode C. elegans, l’ARNi est particulièrement aisée et efficace, car elle peut être simplement implémentée en nourrissant les vers avec des bactéries exprimant l’ARN double brin complémentaire au gène d’intérêt. Tout d’abord, cette vidéo introduit le concept de l’interférence par ARN et explique comment elle provoque l’inhibition d’un gène cible. Elle présente ensuite un protocole d’utilisation de l’ARNi chez le C. elegans, comprenant la préparation des bactéries et des plaques pour l’ARNi chez le ver, la culture des vers, et la façon d’évaluer les effets de l’ARNi sur les vers. L’ARNi est fréquemment utilisée pour effectuer des criblages par génétique inverse afin de révéler quels gènes sont importants pour le déroulement de processus biologiques spécifiques. Les criblages par génétique inverse automatisés permettent, de plus, l’inhibition et l’analyse efficaces d’une grande collection de gènes. Pour finir, l’ARNi est souvent utilisée pour étudier le développement des C. elegans. Depuis la découverte de l’ARNi son utilisation a conduit les scientifiques à des progrès considérables dans la compréhension de nombreux phénomènes biologiques.

Procedure

L’interférence par ARN, ou ARNi, est une technique largement utilisée dans laquelle un ARN double brin est introduit dans un organisme, entrainant l’inactivation d’un gène cible. La découverte de l’interférence par ARN, récompensée par un prix Nobel, a permis aux chercheurs d’inhiber chaque gène de C. elegans afin de déterminer sa fonction. L’ARNi peut être induit dans le C. elegans en préparant tout d’abord des plaques d’E. coli qui expriment le gène cible d’ARN double brin, E. coli qui seront ingérés par les vers. Des vers en 4ème étape larvaire sont ensuite transférés sur les plaques d’ARNi pour leur permettre de pondre. A l’étape désirée de développement, les descendants sont récoltés et leurs phénotypes évalués.

La technique d’ARNi est fréquemment utilisée chez le C. elegans pour effectuer des criblages de génétique inverse et des criblages automatisés à haut débit, ainsi que comme outil pour l’étude des processus de développement. Dans cette vidéo, nous allons présenter le concept de l’interférence par ARN, montrer comment utiliser la technique d’ARNi chez les C. elegans, (F1) et discuter de la façon dont les scientifiques utilisent l’ARNi comme outil pour mieux comprendre les processus biologiques communs. (F2)

Commençons d’abord par vous montrer comment fonctionne l’interférence par ARN. Dans le cas du C. elegans, les vers sont nourris de bactéries préalablement transformées avec des plasmides codant l’ARN double brin complémentaire du gène que vous souhaitez inhiber. Comme indiqué précédemment, les C. elegans se nourrissent de ces bactéries transformées. Suivant un mécanisme actuellement inconnu, une fois ingéré, l’ARN double brin s’intègre au tissu du C. elegans.

Une fois à l’intérieur de la cellule, l’enzyme éminceuse « Dicer » coupe l’ARN double brin en petit ARNi ou pARNi (small interfering RNA ou siRNA en anglais), comportant entre 21 et 23 nucléotides. Le pARNi s’associe ensuite avec le complexe d’inhibition induit par ARN ou complexe « RISC » (RNA- Induced Silencing Complex en anglais), et se déplie. Le complexe pARNi/RISC se lie alors à l’ARNm cible par appariement de bases complémentaires. Ceci conduit à la dégradation de l’ARNm et par conséquent à l’inhibition de ce gène.

Avant de commencer la procédure, les bactéries exprimant l’ARN double brin d’intérêt doivent être préparées. Des banques de données de bactéries qui répertorient les plasmides codant l’ARN double brin pour des milliers de gènes sont disponibles dans le commerce. Si ce n’est pas le cas, la séquence du gène cible doit être clonée en un plasmide suivant des techniques standard de clonage. Le plasmide contient un gène de résistance à l’antibiotique ampicilline, qui peut être utilisé pour sélectionner des colonies bactériennes contenant ce plasmide.

Ensuite, utilisez des techniques standard pour transformer le plasmide codant votre ARN double brin d’intérêt dans la souche de la bactérie d’E. coli « DE3 » qui exprimera cet ARN double brin. Transformez également des bactéries avec un plasmide vide en tant que témoin. Notez que la souche d’E. coli utilisée dans ces expériences n’a pas d’ARN polymérase III, car celle-ci {qui autrement} digérerait l’ARN double brin. Cette bactérie contient également un gène inductible par IPTG pour l’ADN polymérase T7, qui transcrit l’ARN double brin dans le plasmide. Enfin, les bactéries (DE3) sont résistantes à la fois à la tétracycline et à la carbénicilline, afin de maintenir l’expression de l’ARN polymérase III et empêcher la croissance de bactéries indésirables.

Etalez les bactéries transformées HT115 (DE3) sur des plaques de gélose LB contenant 12,5 μg/ml de tétracycline et 25 μg/ml de carbénicilline. Incubez pendant une nuit à 37 °C; les colonies bactériennes seront présentes sur les plaques le lendemain matin. Choisissez alors une seule colonie de bactéries, et ajoutez-la à 1 ml de milieu de culture LB contenant 100 μg/ml d’ampicilline afin de sélectionner les bactéries contenant le plasmide. Incubez pendant une nuit à 37 °C sous agitation. Après la nuit d’incubation, ajoutez 5 ml du milieu de culture LB contenant 100 μg/ml (microgramme/ml) d’ampicilline à la culture, et incubez encore 4 à 6 heures à 37 °C.

Une fois les bactéries prêtes, les plaques utilisées pour l’ARNi chez le ver doivent être préparées pour l’alimentation. Ces plaques contiennent de l’agar, de l’eau, de la carbénicilline, du mélange pour culture de vers, et l’IPTG pour activer l’ADN polymérase T7 dans les bactéries (ADN polymérase qui transcrit l’ARN double brin dans le plasmide). Ajoutez 0,5 ml de la culture de bactéries sur des plaques utilisées pour l’ARNi chez le ver et incubez pendant une nuit à 37 °C, créant ainsi un lit bactérien.

Avant l’ajout des vers aux plaques d’ARNi, il est important de synchroniser les étapes de développement du ver, de sorte que les différences de phénotypes observées ne soient pas un artefact de l’étape de développement. Afin de synchroniser les étapes de développement, stérilisez tout d’abord à la flamme un fil droit de platine.

Utilisez cet outil de prélèvement de vers pour ajouter les vers L4 à chaque plaque d’ARNi, et incubez une nuit à 20 °C, afin de permettre aux vers de devenir des jeunes adultes prêt à pondre. Transférez ensuite ces jeunes adultes sur de nouvelles plaques d’ARNi et incubez de 6 a 8 heures à 20 °C, période pendant laquelle les œufs sont pondus. Une fois que tous les adultes sont retirés, le développement des œufs sera synchronisé. Laissez enfin les vers grandir sur les plaques d’ARNi jusqu’à ce qu’ils atteignent l’étape de développement souhaitée pour l’analyse.

Afin d’observer les vers, une lame avec un tapis d’agar à 4% doit être préparée. Tout d’abord, collez deux lames de verre avec du scotch, créant ainsi des pièces d’espacements qui assurent une épaisseur de gélose uniforme. Placez une lame de verre propre entre ces deux pièces d’espacement et pipetez environ 150 μl de la solution liquide d’agar à 4% sur la lame. Couvrez rapidement la gélose liquide avec une lame perpendiculaire aux pièces d’espacements. Séparez délicatement les lames ; le tapis de gélose adhèrera sur l’une des lames.

Ajoutez ensuite 10 μl d’un anesthésique tel que l’azoture de sodium sur le tapis de gélose pour immobiliser les animaux. Avec un fil droit de platine, transférez les vers au tapis de gélose et couvrez d’une lamelle. Observez enfin les vers au microscope. Comparez les vers dont les gènes ont été inhibés par ARNi aux vers témoins, et notez les différences de taille, d’étape de développement, de morphologie, de localisations des protéines marquées par fluorescence, ainsi que d’autres phénotypes potentiels.

L’une des applications les plus utiles de l’interférence par ARN est la possibilité d’effectuer facilement des criblages par génétique inverse. Un criblage par génétique inverse est une approche permettant la découverte de la fonction de gènes par l’inhibition d’une série de gènes connus et l’évaluation des résultats phénotypiques. Par exemple, les chercheurs peuvent utiliser une banque de données de bactéries qui expriment l’ARN double brin pour presque tous les gènes du génome du C. elegans. Ces bactéries sont cultivées sur des plaques multi-puits puis données en nourriture aux vers. Les effets phénotypiques de l’inhibition par ARNi peuvent ainsi être évalués pour de nombreux gènes, donnant un aperçu des fonctions normales des gènes in vivo.

Les criblages génétiques automatisés sont un type de criblage par génétique inverse à extrêmement haut débit. Dans ces criblages génétiques automatisés, l’ensemble du génome de C. elegans peut être inhibé très facilement en manipulant à l’aide de robots des milliers de clones bactériens, et en utilisant des instruments spécialisés pour l’analyse quantitative.

Par exemple, des vers exprimant un marqueur fluorescent transgénique / pour le gène peptide antimicrobien nlp 29, sont soumis à l’inhibition par ARNi de milliers de gènes /par l’intermédiaire de l’alimentation des bactéries. Au même moment, les vers sont mis en contact avec des spores fongiques. La réponse du peptide antimicrobien au champignon peut ainsi être évaluée.

Le développement des C. elegans est souvent étudié grâce à l’ARNi. Les scientifiques peuvent utiliser l’interférence par ARN pour inhiber n’importe quel gène (ou ensemble de gènes) d’intérêt, et évaluer exactement comment ce gène affecte les processus de développement et/ou la durée du développement. Par exemple, l’inhibition par ARNi peut révéler les gènes qui retardent le développement lorsqu’ils sont inhibés, ou les gènes impliqués dans le développement des organes.

Vous venez de regarder l’introduction de JOVE à l’interférence par ARN chez le C. elegans. Nous avons présenté le fonctionnement de l’interférence par ARN ainsi que l’utilisation de l’interférence par ARN chez le C. elegans via l’alimentation bactérienne. L’interférence par ARN est un outil précieux pour les criblages par génétique inverse comprenant les criblages automatisés à haut débit ; il est aussi un outil utile pour les études du développement. Merci de votre attention!

Transcript

RNA interference, or RNAi, is a widely used technique in which double stranded RNA is introduced to an organism, resulting in targeted gene silencing. The Nobel winning discovery of RNA interference allowed researchers to silence any C. elegans gene in order to determine its function. We can induce RNAi in C. elegans by first preparing plates with E. coli that express target gene dsRNA, which the worms will eat. Then, 4th larval stage worms are transferred to the RNAi plates and allowed to lay eggs. At the desired stage of development the progeny are collected and scored for phenotypes.

RNAi technology is frequently used in C. elegans to conduct reverse genetic screens, automated high throughput screens, and as a tool to study developmental processes. In this video, we will explain the concept of RNA interference, demonstrate how to use RNAi technique in C. elegans, and discuss how scientists are using RNAi as a tool to better understand widespread biological processes.

Let’s begin by first showing you how RNA interference works. In the case of C. elegans, the worms are fed bacteria, which have been transformed with plasmids that code for double stranded RNA complementary to the gene you want to silence. As mentioned previously, C. elegans will feed on the transformed bacteria. Through a currently unknown mechanism, dsRNA enters C. elegans tissue once ingested.

Once inside the cell, the enzyme Dicer cleaves the double stranded RNA into short interfering RNA, or siRNA, which is between 21 and 23 nucleotides long. Next, the siRNA associates with the RNA induced silencing complex, also known as “RISC”, and becomes unwound. Then, the siRNA/RISC complex binds the target mRNA via complementary base pairing. This leads to the degradation of the mRNA, thereby knocking down that gene.

Before beginning the procedure, the bacteria expressing the double stranded RNA of interest need to be prepared. Libraries of bacteria that contain dsRNA-encoding plasmids for thousands of genes are commercially available. Otherwise, the target gene sequence needs to be cloned into a plasmid using standard cloning techniques. The plasmid contains a gene for resistance to the antibiotic ampicillin, which can be used to select for bacterial colonies that contain the plasmid.

Next, use standard techniques to transform the plasmid encoding your dsRNA of interest into the (DE3) strain of E. coli bacteria that will express the double-stranded RNA. Also, transform the bacteria with an empty plasmid as a control. Importantly, the strain of E. coli used in these experiments lacks RNA polymerase III, which would otherwise digest double stranded RNA. This bacteria also contains an IPTG inducible gene for T7 DNA polymerase, which transcribes the dsRNA in the plasmid. Lastly, the bacteria (DE3) are both tetracycline and carbenicillin resistant, to maintain RNA polymerase III expression and prevent unwanted bacterial growth.

Spread the transformed HT115(DE3) bacteria on LB agar plates containing 12.5 μg/ml tetracycline and 25 μg/ml carbenicillin. Incubate overnight at 37 °C and the next morning bacterial colonies will be present on the plates. Then, select a single bacteria colony, and add it to 1 ml of LB broth containing 100 μg/ml of ampicillin to select for bacteria containing the plasmid. Incubate overnight at 37 °C with agitation. After the overnight incubation, add 5 ml of LB broth containing 100 μg/ml of ampicillin to the culture, and incubate for an additional 4-6 hours at 37 °C.

Once the bacteria are ready, RNAi worm plates need to be prepared for feeding. RNAi worm plates contain: agar, water, carbenicillin, Worm medium mix, and IPTG to induce the T7 DNA polymerase in the bacteria that transcribes the dsRNA in the plasmid. Add 0.5 ml of bacteria culture to RNAi worm plates and incubate overnight at 37 °C, creating a bacterial lawn.

Before adding worms to the RNAi plates, it is important to synchronize the developmental stage of the worm, so that any observed differences in phenotype are not an artifact of the developmental stage. In order to synchronize the developmental stages, first flame-sterilize a platinum wire pick.

Use the worm pick to add L4 worms to each RNAi plate, and incubate overnight at 20 °C, allowing them to become young egg laying adults. Next, transfer young adults to new RNAi plate and incubate for 6-8 hours at 20 °C, during which eggs are laid. Once all the adults are removed, these eggs will be developmentally synchronized. Finally, allow worms to grow on RNAi plates until they have reached the developmental stage of interest for analysis.

In order to visualize the worms, a slide must be prepared with a 4% agar pad. First, tape 2 glass slides with labeling tape, creating spacers which ensure uniform thickness of the agar pad. Place a clean glass slide between the two spacers and pipet about 150 μl of 4% molten agar onto the slide. Quickly cover the molten agar with additional slide perpendicular to the spacers. Gently separate the slides and the agar pad will be adhered to one of the slides.

Next, add 10 μl of an anesthetic such as sodium azide to the agar pad to immobilize the animals. Using a platinum wire pick, transfer worms to the agar pad with anesthetic and add a cover slip. Finally, observe worms under a microscope. Compare worms who have had RNAi gene knockdown with controls, and note differences in size, developmental stage, morphology, localization patterns of fluorescently tagged proteins, and other potential phenotypes.

One of the most valuable applications of RNA interference is the ability to easily perform reverse genetic screens. A reverse genetic screen is an approach to discover gene function by knocking down a known collection of genes and assessing the phenotypic result. For example, researchers can use a library of bacteria that express dsRNA for nearly all the genes in the C. elegans genome. These bacteria are cultured on multi-well plates and fed to the worms. Then, the phenotypic effects of the RNAi knockdown of many genes can be assessed, giving insight into the normal in vivo gene functions.

Automated genetic screens are a type of reverse genetic screen that are extremely high throughput. In automated genetic screens, the entire C. elegans genome can be knocked down very easily by using robotic handling of the thousands of bacterial clones, and using specialized instruments for quantitative analysis.

For example, worms expressing a transgenic fluorescent reporter for the anti-microbial peptide gene nlp 29, are subject to RNAi knockdown of thousands of genes via bacterial feeding. At the same time, the worms are introduced to fungal spores. Then, the anti-microbial peptide response to fungus can be assessed.

C. elegans development is frequently studied using RNAi. Scientists can use RNA interference to knock down any gene (or collection of genes) of interest and assess exactly how that gene affects processes during development and/or developmental timing. For example, RNAi knockdown may reveal genes that delay development when knocked down, or genes involved in organ development.

You’ve just watched JOVE’s introduction to RNA interference in C. elegans. We reviewed how RNA interference works and how to use RNA interference in C. elegans via bacterial feeding. RNA interference is a valuable tool for reverse genetic screens, including automated high throughput screens, and is also a useful tool for studying development. Thanks for watching!